l e   r é p e r t o i r e   groupe de recherche IF
répertoire IF d'étude de cas en montage et gestion de projets d'architecture + urbanisme
 
 
 

 

Les nouveaux enjeux dans la gestion des parties prenantes des projets d’aménagement

Octobre 2010

Michel Max Raynaud

La gestion de projets n’est pas une pratique professionnelle figée. Elle doit constamment évoluer et innover afin de s’adapter à l’environnement du projet. La multiplication récente des recherches et des publications sur les nouvelles pratiques dans la gestion de projets de construction démontre cette constante évolution. Le nouveau gestionnaire de projets est soumis non seulement aux progrès de la technique, mais aussi aux changements de paradigmes sociaux. Depuis quelques années, l’accent a beaucoup été mis - avec raison - sur le développement de la gestion en tant que pratique professionnelle et la façon dont elle a considérablement modifié les façons de travailler des firmes d’architecture, d’urbanisme et de construction. Il faut aujourd’hui s’adapter aux nouvelles contraintes des projets et des donneurs d’ouvrage. Ces contraintes imposent aux nouveaux gestionnaires de projets d’aménagement d’envisager leur travail avec des outils et des stratégies plus complexes.

Les études de cas que nous présentons dans répertoire IF montrent que parallèlement à la pratique de la gestion classique, les aménagistes et les donneurs d’ordres, doivent désormais répondre à des nouveaux défis sociaux et environnementaux qui se superposent aux défis techniques et économiques. Le développement durable fait désormais partie intégrante des stratégies de gestion et modifie en profondeur les choix et les pratiques aussi bien architecturales qu’urbanistiques. La définition et l’aménagement des espaces publics, la nature des transports et de la mobilité, les stratégies de gestion des approvisionnements et des déchets sont aujourd’hui des enjeux majeurs de ce nouveau paradigme. La gestion ne peut ignorer ces contraintes et doit adapter des outils existantes ou innover des nouvelles méthodes.

Une conséquence parfois moins visible (mais tout aussi fondamentale), de l’adoption du développement durable est la place de plus en plus importante de la participation citoyenne au sein de la gouvernance du projet, et par voie de conséquence, le nouveau rôle du politique. Cette participation est parfois, imposée par des nouveaux acteurs, dans le choix et la gestion de l’aménagement des villes, des équipements et des objets d’intérêt public. La définition désormais classique des parties prenantes proposée par Freeman (1984) « any group or individual who can affect or is affected by the achievement of the organization’s objectives » laissait une grande liberté d’interprétation. La notion d’«affectation» a permis aux théoriciens qui ont suivi d’y intégrer de nouvelles notions et d’inclure de nouveaux acteurs.

Le cercle des parties prenantes s’est pour cette raison considérablement élargi. Il n’est plus seulement composé des acteurs directs du projet (liés par des relations contractuelles ou légales) mais il intègre désormais des groupes d’influence et des réseaux actifs dans les instances de consultation. Le projet d’intérêt public est, de plus en plus, soumis à un faisceau croisé de regards et de contrôles intéressés à mesurer l’engagement organisationnel mais aussi de l’engagement social des parties prenantes.

Le rôle du gestionnaire de projet est ainsi amené à changer en profondeur. Il doit envisager une nouvelle cartographie des parties prenantes. Chacune des parties prenantes intervient et influence les choix, les délais, les procédures, l’organisation même de la conception et de la réalisation du projet et donc, par conséquence, la viabilité économique et les risques du projet.

Les plus récentes études de cas présentées ici témoignent de cette évolution. Le projet de modernisation du centre universitaire de santé McGill rédigé par Adriana Manolache; La mise en œuvre du processus d’achat durable des matériaux de construction dans les projets résidentiels par Ahmad Elmawieh, ou l’étude sur Le quartier des spectacles - secteur Place des Arts par Thomas Gerardin, Sébastien P. Lafontaine et Laurent Viel, constituent des exemples importants de ces nouveaux enjeux de pouvoir et de répartition des rôles entre les parties prenantes. Chacune de ces études apporte un regard différent et pose clairement les questions qui interpellent désormais le gestionnaire professionnel. Réussir un projet ne peut plus se limiter à réussir la gestion interne de l’opération. Les liens entre le donneur d’ouvrage, le concepteur et le constructeur, les liens entre les donneurs d’ordre, les administrations et les financiers, les liens entre les concepteurs, les constructeurs et les fournisseurs, et d’autres encore, doivent maintenant refléter les valeurs défendues par les parties prenantes et intégrer les concepts de vivabilité, de viabilité et d’équité. S’articulant autour de ces liens, on voit se dessiner le réseau social et politique qui impose la gouvernance responsable citoyenne. Les règles du jeu s’en trouvent parfois changées et il devient impossible de monter et de gérer le projet d’aménagement sans prendre en compte les parties prenantes dès l’origine du montage.

En même temps que la gouvernance de projets se complexifie, nous voyons se dessiner la spécificité du montage et de la gestion de projets d’aménagement. Tout en continuant à s’inspirer de la gestion professionnelle (et des guides de gestion telles que le PMBOK), les études et les travaux de recherche du répertoire permettent à nos étudiants de mieux comprendre et d’anticiper les défis auxquels ils seront confrontés.

Le répertoire du GRIF continue de s’enrichir, années après années, d’études nouvelles. Ces travaux constituent une banque de données qui devra permettre autant aux chercheurs qu’aux acteurs professionnels de mieux comprendre l’évolution du montage et de la gestion de projets dans le domaine varié de l’aménagement, mais également son originalité. Chaque projet est unique dans notre domaine et caque projet représente une expérience originale. Mais chaque projet, par sa complexité et les enjeux auxquels il répond, est une leçon pour les futurs projets.


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